Lyne Wang a fondé la boutique Terre de Chine,
pour faire découvrir les thés, naturels et subtils, qu’elle buvait dans son
enfance, à Shanghai. Lors de ses voyages dans des régions reculées de chine, il
lui arrive de trouver des œufs au thé, souvenirs de temps heureux avec ses
grands-parents.
Lyne Wang
« La première fois que j’ai quitté Shanghai, c’était
pour aller à Paris. J’avais 25 ans, je terminais mes études de médecine
(occidentale) et il me fallait partir coûte que coûte. Fuir mes parents et leur
carcan. Leur éducation était si stricte que jusqu’à 24 ans, je n’ai pas eu le
droit de passer plus d’une journée hors du foyer. Quand je sortais, je devais
être rentrée avant 20 heures, sans quoi je passais la nuit sur le palier. Le
dimanche, mon frère, ma sœur et moi étions enfermés dans une pièce pour finir
nos devoirs – c’était la condition pour pouvoir manger. Je ne me rappelle pas
avoir jamais vu mes parents sourire. L’un de nos seuls plaisirs, c’était
d’aller nous promener avec nos grands-parents, pour acheter et grignoter des
œufs au thé dans la rue. À l’époque, Shanghai comptait encore de nombreuses
maisons en bois et ruelles pavées, on trouvait des œufs au thé à tous les coins
de rue et dans les marchés, c’était un snack populaire vendu par des vieilles
dames pour caler les petites faims. Maintenant, c’est une mégalopole aseptisée,
les gratte-ciel modernes ont remplacé les baraques traditionnelles, il n’y a
plus ni marché ni œufs au thé.
Je n’ai pas vraiment choisi où fuir : quand une amie m’a
proposé de partir en France avec elle, je me suis précipitée. Je ne parlais pas
un mot de français, je n’avais pas d’argent, mon diplôme chinois n’était pas reconnu
ici. J’ai commencé à faire des petits boulots à droite à gauche, tout en
apprenant le français, et après une tentative infructueuse pour trouver du
travail en Chine en milieu hospitalier, je me suis définitivement installée en
France. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré mon futur mari, un métis
chinois français, né à Paris. Nous étions en 1997, les gens ignoraient tout de
la Chine. Nous avons décidé de faire découvrir notre pays à travers son
artisanat, sa culture et son histoire, et d’ouvrir une boutique près de
Beaubourg, nommée Terre de Chine. Nous y servions également du thé, et j’ai
commencé à me plonger dans le sujet.
Au début, je n’y connaissais pas grand-chose – pas plus qu’à
la médecine chinoise, qui est étroitement liée à l’alimentation. Nous achetions
nos thés chez Dammann Frères et autres fournisseurs du genre. Un jour, le
propriétaire d’une marque bien connue m’a fait visiter son laboratoire et j’ai
vu tous les arômes artificiels utilisés pour parfumer les thés. Je me suis
rendu compte que cela ne correspondait en rien à ce que je voulais faire, ni à
l’idée que j’avais du thé – celui, naturel et subtil, que je buvais dans mon
enfance. Nous avons décidé d’aller chercher des grands crus sur le terrain, et
de ne travailler qu’avec des producteurs indépendants et authentiques. Tous les
ans, je pars à la rencontre de ces artisans formidables dans les régions les
plus reculées de Chine. Parfois, dans ces petits villages de campagne et de
montagne, je trouve encore un œuf au thé. Cet œuf, c’est quelque chose de
simple, de très beau et de très symbolique aussi. Il représente toute la
culture ancestrale chinoise, les traditions populaires, et mon enfance
lointaine. »
« Un jour, le propriétaire d’une marque bien
connue m’a fait visiter son laboratoire et j’ai vu tous les arômes artificiels
utilisés pour parfumer les thés. Je me suis rendu compte que cela ne
correspondait en rien à ce que je voulais faire, ni à l’idée que j’avais du
thé. »
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